4.1. Le problème
A la suite de la Révolution française s’est développé en France un esprit d’incrédulité et d’indifférence religieuse. Certains philosophes voulaient même éliminer toute foi chrétienne. Aujourd’hui aussi, l’Église rencontre des difficultés : « baisse de la pratique religieuse, vieillissement des prêtres, pénurie de vocations sacerdotales et religieuses… (Certaines statistiques) révèlent une désaffection marquée à l’égard de la Tradition chrétienne » (Mgr Claude Dagens, Méditation sur l’Église Catholique en France, libre et présente. Cerf, 2008, p. 20).
D’autre part, des questionnements fondamentaux se font jour. « Pourquoi vivre ? Pourquoi ne pas se donner la mort ? Pourquoi aimer la vie, même si elle est difficile ? Où trouver des points d’appui qui permettent d’avancer ? Comment prier? Comment connaître le Christ ? Comment comprendre le mystère de la Résurrection ? Comment pouvoir se réconcilier avec soi-même et être guéri des blessures inscrites depuis longtemps dans la mémoire ? » (o.c. p.48).
Alors, c’est un défi qui nous est lancé. Nous marianistes, laïcs et religieux, sommes-nous prêts à écouter les questions des hommes ? Notre Fondateur nous invite à avoir « un esprit de foi ». – « à créer des communautés de foi »,- à aider les chrétiens « à approfondir leur foi ». La méthode du Père Chaminade, qui consistait à rassembler les chrétiens en petites fraternités, dans lesquelles la foi était vécue et partagée, est-elle encore applicable aujourd’hui ?
4.2. Les deux niveaux de la foi
Dans son expérience de guide spirituel, le P. Chaminade a constaté que la foi véritable est vécue à deux niveaux :
- au niveau de l’intelligence : la foi spéculative ;
- au niveau du cœur : la foi du cœur.
a) la foi spéculative.
Pour beaucoup de personnes, la foi se situe seulement au niveau de l’intelligence. Elle consiste uniquement à accepter comme vraies les vérités révélées, telles que l’Église nous les enseigne. La foi se limite alors à une connaissance plus ou moins obscure, non contrôlable ; en somme, une forme inférieure de connaissance.
Certes, il est important que notre foi soit éclairée. Aucun homme cultivé ne peut se contenter de la « foi du charbonnier ». Une étude systématique est indispensable si nous voulons échapper au doute, aux incertitudes, aux interprétations approximatives. L’approfondissement intellectuel de notre foi est une première démarche indispensable. Mais cela ne suffit pas encore pour faire passer la foi dans la vie.
b) la foi du cœur
L’expression est empruntée à Saint Paul (Rm 10, 9-10). De la tête, la foi doit descendre dans le cœur, si on veut qu’elle devienne vie. Le cœur est compris ici dans le sens biblique comme le centre le plus profond de la personne. La foi du cœur consiste à adhérer à la personne de Jésus à le prendre comme modèle, et à accueillir sa parole comme norme de notre conduite. Elle est un don de l’Esprit, reçu en germe lors de notre baptême ; elle est appelée à croître au point d’envahir toute notre vie.
4.3. La croissance dans la foi.
a) Les études religieuses nous permettent d’explorer tout le champ de la relation de l’homme avec Dieu. L’étude de la parole de Dieu, telle qu’elle nous est transmise dans l’Écriture Sainte, les commentaires des Pères de l’Église, le récit des expériences des mystiques, tout cela doit retenir notre attention. Cela nous permettra d’éviter les fausses interprétations et d’écarter des nouveautés incontrôlées. Nous devons apprendre à distinguer les affirmations fondées sur l’Écriture des élucubrations fantaisistes des apocryphes ou des révélations privées, non approuvées par le Magistère. Nous devons nous garder de deux écueils :
- d’une part le rationalisme hypercritique qui ne veut accepter que ce que la raison peut expliquer ;
- d’autre part, le piétisme romantique aux solutions simplistes fondées seulement sur le sentiment.
b) Au niveau du cœur, il faut exercer la foi par des actes répétés. Il faut progressivement passer du sensible au spirituel, apprendre à tout regarder avec le regard de Dieu : la nature, notre propre vie, nos sœurs et nos frères.
Petit à petit, nous apprendrons à vivre notre foi, à devenir « des hommes de foi ». Nous y arriverons en pratiquant l’oraison, pour laquelle le P. Chaminade nous a laissé une méthode simple ; l’oraison est le principal exercice de la foi, puisque nous y laissons de côté nos préoccupations personnelles pour tourner notre regard vers le Seigneur. Pour nous préparer à rencontrer le Seigneur dans l’oraison, et pour en prolonger les effets, nous nous exerçons à vivre en présence de Dieu par de fréquentes élévations de l’âme vers lui, de brèves invocations. Au début de chaque activité, nous offrons notre travail en hommage au Seigneur.
La foi du cœur ne se contente pas d’une connaissance théorique. Elle nous pousse à fréquenter la parole de Dieu, la lire, à la méditer, à partager avec d’autres ce que nous avons découvert. La parole devient alors message qui nous est adressé personnellement, et parfois, à travers nous, à un frère ou à une sœur.
Sachant que la foi du cœur est un don de l’Esprit, nous allons la célébrer dans les sacrements. Foi et baptême sont étroitement liés. L’Eucharistie est appelée le mystère de la foi. En recevant les sacrements, nous ouvrons notre cœur à l’action de l’Esprit qui habite en nous et nous transforme de l’intérieur.
4.4. Foi, espérance, charité.
Le chrétien qui s’engage sur le chemin de la foi qui conduit à la rencontre de Dieu, ouvre en même temps son cœur à l’espérance et à la charité (agapè) qui l’unit à son Seigneur. Il est alors emporté par un élan irrésistible vers son Dieu et Créateur. Sans doute tâtonne-t-il encore dans l’obscurité de sa condition charnelle, mais l’espérance lui donne une énergie nouvelle qui le porte vers le but.
Marie a vécu à la perfection les vertus de foi d’espérance et de charité. Elle nous précède sur le chemin vers Dieu, le chemin de la sainteté.
L’union à Jésus Christ
« Si la lumière de la foi est le Verbe de Dieu, si par elle, c’est le Verbe adorable qui daigne venir habiter en nous, on conçoit que la foi, la conviction qui résulte de l’impression de cette lumière, est précisément l’union de Jésus Christ avec nous : union qui va jusqu’à nous transformer en Jésus Christ.
Par la foi, en effet, comme nous l’avons vu,
notre esprit éclairé ne pense plus que comme Jésus Christ : c’est Jésus Christ qui s’est uni à notre esprit ;
notre cœur animé ne sent plus et n’aime plus que comme Jésus Christ : c’est Jésus Christ qui s’est uni à notre cœur ;
notre volonté dirigée n’agit plus que comme Jésus Christ : c’est Jésus Christ qui s’est uni à notre volonté.
Ainsi l’homme nouveau s’est formé en nous.
(Chaminade, Retraite de 1818).
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